Article publié dans la Quinzaine universitaire n°1446 du 13 novembre 2020
Par Eugénie DE ZUTTER (présidente du SNALC de Reims)
Comme nous le rappelle l’assassinat abominable de notre collègue Samuel Paty, la transmission des savoirs et des valeurs républicaines françaises est devenue une activité à haut risque en France. Nous devons faire le constat effrayant que des obstacles majeurs s’opposent aujourd’hui à une pédagogie basée sur le raisonnement et à l’enseignement de la raison, combat que nous croyions rangé dans les tiroirs de l’histoire.
Le premier obstacle est l’intrusion de la religion, que l’on croyait laissée à la porte de l’école publique depuis 1905. Face à des enfants éduqués dans la primauté de la loi religieuse sur la loi séculière, que peuvent le professeur et ses arguments rationnels ? Les plaintes d’élèves et de parents contre le cours sur la liberté d’expression de Samuel Paty, leur agressivité et les demandes de mobilisation, qui ont abouti au drame que l’on sait, sont la triste illustration de cette situation.
Le second obstacle est l’idée qu’aujourd’hui tout se vaut, renforcée par l’omniprésence des écrans et réseaux sociaux. Cette idée selon laquelle tout est déjà accessible, qu’il n’est plus besoin de l’enseignant, dont la parole n’est qu’une opinion parmi d’autres et qu’il y a équivalence entre toutes les « vérités » fait des ravages et s’oppose à la transmission de la raison et des savoirs. Que faire face à des élèves si saturés de vidéos visionnées quotidiennement qu’ils n’ont plus de disponibilité pour les arguments et les raisonnements du pédagogue ? Que faire alors qu’ils ont accès à un nombre incalculable de vidéos souvent faites par n’importe qui pouvant sans contrôle professer n’importe quoi ?
Enfin, le plus élémentaire des obstacles est peut-être la difficulté pour les enseignants de se faire comprendre par de nombreux élèves, pour qui le français est devenu une langue étrangère. Ceux-ci sont dès lors imperméables à toute pédagogie s’appuyant sur la bonne compréhension et la transmission par le raisonnement. Nombreux sont ceux qui passent ainsi à côté des valeurs et des principes que les professeurs doivent pourtant enseigner.
Comment dans ces conditions continuer à correctement transmettre les valeurs de la République française ?