Professeur : une prestation d’acteur ?
L’analogie de notre métier avec celui d’acteur de théâtre est particulièrement éclairante.
Qui doute un instant que la prestation sur scène demande une concentration de tous les instants, à la fois intellectuelle et physique et une tension importante de tout son être car tout se fait sous les yeux d’un public… plus ou moins conciliant ! Car c’est bien cela une heure de cours : une prestation qui doit être de haut vol si l’on veut à la fois capter l’attention et conserver notre autorité scientifique, ne pouvant guère laisser de place à l’erreur ou au doute, à tout le moins à l’hésitation et à la contre-performance. Faire ce métier exige d’être « sur scène » de nombreuses heures chaque semaine, quel que soit le public, quels que soient ses silences lourds de sens ou ses éventuels chahuts ou bavardages, incessants en cas de classe à problèmes. Heureusement existe-t-il aussi des heures qui ‘portent’, où l’on sent le ‘public’ captivé…
Là s’arrête toutefois la comparaison : l’acteur, le rideau tiré, part pour d’autres cieux. L’enseignant, la sonnette ayant retenti, reste sur scène et doit encore mettre un mot dans le carnet d’élèves qui n’ont pas été « bienveillants », prendre des rendez-vous pour la prochaine réunion parents-professeurs, remplir le cahier de textes, répondre à un parent et à l’infirmière sur l’ENT, vérifier que rien n’est oublié sur les tables, aérer la pièce, préparer son bureau et le tableau voire changer de salle pour la prestation suivante, sortir son cours et son plan de classe et enfin accueillir comme il se doit toute une classe qu’il doit mettre en rang dans un couloir bondé et bruyant.
Comme au théâtre, chacun rejoint sa place, comme au théâtre… Ah non, l’acteur n’a pas à faire l’appel, à demander à s’asseoir et à sortir rapidement ses affaires, à calmer le brouhaha, à improviser sur tout ce qui rentre difficilement dans le règlement comme les bobos, les demandes pour les toilettes ou la vie scolaire juste après la récréation, les oublis de cahier ou d’ordinateur portable, les ordinateurs dont la batterie n’a pas été rechargée, ceux dont la connexion échoue, les élèves ayant oublié une trousse au cours d’avant… Tout cela rendant quasiment impossible le contrôle serein du travail demandé pour le jour, tant et si bien que cette dernière pratique se raréfie : déjà les excuses vite trouvées, les premières agressions verbales, les jets de carnets de correspondance, les soupirs et les clins d’œil aux camarades qui soutiennent l’élève ou les élèves fautifs face à ce scandale qu’est la vérification du travail maison et face au mot dans le carnet « pour si peu ». S’en suit encore le rappel à l’ordre sur les masques, les chewing-gums et les manteaux à retirer, les postures nonchalantes à corriger…
Rarement de ‘standing ovation’ donc et sans doute de moins en moins d’attention et de concentration de la part d’un public scolaire de plus en plus difficile. Notre métier, du primaire au supérieur, bien au-delà du manque de considération dans la société et d’une rémunération indigente, souffre de conditions de travail qui se dégradent et que ne viennent pas arranger les réformes successives qui semblent toutes oublier la réalité de la salle de classe.
Voici les raisons qui doivent nous encourager à nous syndiquer et à voter SNALC aux prochaines élections, afin que la voix du terrain soit portée avec force jusqu’au ministère !
Stéphan Aubriet, membre du Bureau académique